Les définitions présentées de façon synthétisée au sein de cette boussole sont issues d’un ouvrage complet disponible aux Presses de l’Université Laval (PUL). Pour en connaitre davantage sur le sujet, le livre est disponible en accès libre et en version numérique ou imprimée à l’adresse suivante :https://www.pulaval.com/livres/biais-inconscients-et-comportements-inclusifs-dans-les-organisations
Biais inconscients
Les biais inconscients font référence aux attitudes ou stéréotypes qui affectent notre compréhension, nos actions et nos décisions et cela, de manière inconsciente, involontaire ou sans un contrôle intentionnel. Ils sont le résultat de raccourcis automatiques qui se produisent lorsque notre cerveau juge et évalue rapidement les personnes sans qu’on s’en rende compte. Ils sont influencés par notre éducation, notre environnement culturel, notre expérience de vie personnelle. Ils peuvent influencer notre prise de décision, en particulier lorsqu’on doit agir rapidement.
Biais liés à la personne : biais sociocognitifs qui se manifestent sur le plan individuel
- Système de croyances : Ce biais réfère au système de croyances et de valeurs d’un individu et a une influence sur ses actes, ses paroles et ses pensées. Ce système, qui se traduit entre autres par des attitudes, des jugements et des traits de personnalité, peut amener une personne à privilégier des explications basées uniquement sur ses références culturelles.
- Angles morts : Ce biais renvoie au fait qu’il y a des éléments qu’on ne voit pas, surtout lorsqu’ils se rapportent à notre propre personne ou aux personnes qui appartiennent aux mêmes groupes que nous. Il est généralement plus facile de voir les biais chez les autres personnes que d’identifier nos propres biais.
- Premières impressions : Ce biais met en lumière le phénomène selon lequel la première impression que nous avons d’une personne est déterminante pour l’opinion que nous aurons de celle-ci. Les premières impressions restent généralement ancrées dans les esprits et perdurent dans le temps.
- Intuition : Ce biais consiste à se fier à son intuition personnelle comme étant véridique et fiable en ne reconnaissant pas que celle-ci est très subjective. Ce biais est plus souvent basé sur les émotions et les sentiments personnels qui ne prennent pas en compte les subtilités de la situation et les particularités contextuelles.
- Stéréotypes : Ce biais consiste en une image préconçue et une représentation simplifiée d’un individu ou d’un groupe social. Il repose sur une croyance partagée relative aux attributs physiques, moraux et/ou comportementaux, censés caractériser ce ou ces individus. Nos stéréotypes nous amènent à sauter directement à des conclusions peu fondées et viennent influencer notre jugement de l’individu.
- Attraction physique : Ce biais se définit par le fait de favoriser les personnes qui correspondent aux injonctions de beauté selon les normes sociales. Les personnes qui correspondent aux normes de beauté ont par exemple davantage de chances d’obtenir une entrevue pour une promotion dans une organisation.
Biais liés aux groupes d’appartenance
- Similarité : Ce biais consiste en la tendance à s’associer à ceux et celles qui nous ressemblent (physiquement, professionnellement, intellectuellement). Ce biais amène les personnes à graviter et à développer des relations avec des personnes qui partagent des idées, intérêts, expériences et antécédents similaires.
- Complaisance/compensatoire : Le biais de complaisance est la tendance à s’attribuer le mérite de ses réussites et à attribuer ses échecs à des facteurs extérieurs défavorables, notamment aux personnes à l’extérieur de notre groupe. Le biais compensatoire fait référence à la tendance à démontrer plus de complaisance et d’indulgence envers une personne de notre groupe.
- Tendance centrale/contraste : Ce biais renvoie à la tendance des individus à préférer la modération, c’est-à-dire ce qui est situé dans la moyenne ou la norme, plutôt que ce qui est associé aux extrêmes. L’évaluation et le jugement d’un individu peuvent être affectés par l’environnement et les références par rapport auxquelles il est comparé.
- Universalité : Ce biais renvoie au phénomène selon lequel on peut avoir tendance à considérer que tout le monde pense comme nous et a les mêmes goûts que nous. Ce biais porte les personnes à surestimer l’universalité de leurs croyances ou de leurs préférences personnelles.
- Transparence/compréhension : Ce biais est le fait de surestimer notre capacité à comprendre l’état mental des individus qui nous entourent. Ce biais se présente aussi lorsqu’une personne essaie de comprendre comment les autres la perçoivent dans un contexte où elle se considère comme transparente par rapport aux autres.
- Effet d’attente : Ce biais consiste à présumer que les comportements que nous avons observés chez une personne dans une situation détermineront ses comportements, ses attitudes ou ses aptitudes dans d’autres contextes. Si une personne a bien performé dans le passé, l’effet d’attente nous amènera à stipuler qu’elle performe toujours aussi bien dans toutes les situations.
- Confirmation : Ce biais est la tendance très commune que les personnes ont à ne rechercher et à ne considérer que les informations qui confirment leurs croyances et à ignorer ou discréditer celles qui les contredisent.
- Prestige : Ce biais consiste à avoir une opinion favorable envers les personnes qui répondent aux critères les positionnant comme étant prestigieuses et à les traiter avec respect en raison de cette position, qu’elle soit liée à leur degré élevé de compétences ou à leur degré de succès dans un domaine socialement valorisé.
Biais liés aux groupes historiquement marginalisés
- Biais sexistes : Ces biais sont liés aux manifestations inconscientes du sexisme, qui est le fait de discriminer une personne en raison de son sexe. Ces manifestations se traduisent par de la discrimination dans les pensées, paroles, gestes que nous pouvons avoir le plus souvent en défaveur des femmes.
- Biais cisgenres : Ces biais liés à l’identité de genre sont des manifestations inconscientes du cisgenrisisme. Il s’agit d’un système de discrimination basé sur l’identité de genre qui privilégie les personnes s’identifient au genre leur ayant été assigné à la naissance et qui margnalise les personnes trans.
- Biais hétéronormatifs : Ces biais liés à l’orientation sexuelle sont une des manifestations inconscientes de l’hétérosexisme, un système de discrimination et de préjugés envers les personnes dont l’orientation sexuelle diffère de l’hétérosexualité.
- Biais grossophobes : Ces biais liés au poids sont des manifestations inconscientes de la grossophobie qui se traduisent par la discrimination des personnes corpulentes. La grossophobie réfère à des comportements individuels ou collectifs visant à dénigrer ou à culpabiliser les personnes dont le poids est supérieur à la moyenne.
- Biais classistes : Ces biais liés aux classes sociales sont des manifestations inconscientes du classisme, qui désigne toutes les formes de discrimination ou de favoritisme fondées sur la classe sociale, souvent associé au statut socioéconomique d’une personne ou d’un groupe.
- Biais racistes : Ces biais sont des manifestations inconscientes du racisme qui se traduisent par de la discrimination basée sur la race, concept qui réfère ici à un processus socialement, politiquement, culturellement, symboliquement et économiquement construit.
- Biais relatifs aux religions : Ces biais amènent à des traitements différenciés, des Inégalités et des discriminations relatifs aux religions. Le fait de s’identifier à un groupe religieux, de pratiquer une religion – ou de n’en pratiquer aucune – est l’une des composantes de l’identité d’une personne, et cette personne ne devrait pas être jugée ou discriminée pour cette raison.
- Biais capacitistes : Ces biais sont des manifestations inconscientes du capacitisme physique et mental. Cela est une forme de discrimination, préjugé ou traitement négatif envers les personnes vivant avec un handicap (visible ou invisible), les personnes de la culture sourde et les personnes de la neurodiversité.
- Biais colonialistes : Ces biais sont des manifestations inconscientes du colonialisme, un processus de domination politique, économique, sociale et culturelle d’un peuple par rapport à un autre.
- Biais âgistes : Ces biais se traduisent par le fait de stéréotyper ou de discriminer des personnes selon le groupe d’âge auquel elles appartiennent ou auquel on les associe.
Comportements inclusifs
- Remise en question premières impressions, jugements et stéréotypes : C’est le fait de prendre conscience de ses premières impressions, jugements et préjugés, de faire preuve de vigilance sur ses conclusions immédiates et de réfléchir aux raisons des décisions que l’on prend sur cette base.
- Reconnaitre ses erreurs et accepter la critique : C’est le fait d’admettre ses erreurs et d’apprendre des critiques et différents points de vue autres que ceux de notre groupe d’appartenance.
- Reconnaitre ses privilèges et transformer sa praxis : C’est le fait de reconnaitre ses privilèges dans différentes situations, par exemple d’être blanc ou blanche, et de déconstruire ses privilèges dans son milieu.
- Prendre des décisions hors critères notre groupe : C’est le fait de douter de son objectivité, de chercher des indices de partialité envers les personnes qui ne sont pas de notre groupe et de prendre des décisions sur une base plus large que les critères de notre groupe.
- Capacité écoute et points de vue multiples : C’est le fait d’écouter et de tenir compte des points de vue multiples qui se situent souvent hors de son ou de ses groupes d’appartenance et de mettre en place des mécanismes qui permettent à toutes les personnes de s’exprimer.
- Laisser les personnes décider d’elles-mêmes : C’est le fait de consulter les personnes sur les décisions qui les concernent plutôt que de prendre des décisions à leur place, pensant savoir ce qui est bon pour elles.
- Valoriser le travail et critères de performance renouvelés : C’est le fait de reconnaitre et valoriser le travail accompli par des personnes différentes de nos groupes d’appartenance sur la base de leurs compétences et de critères de performance renouvelés, autres que par exemple la rémunération, les heures travaillées, les notes académiques, etc.
- Apprendre la réalité des différents groupes : C’est le fait de mieux connaitre la réalité des différents groupes historiquement marginalisés afin de s’ouvrir à de nouvelles façons de les percevoir, de minimiser les différences, et de parler d’objectifs partagés. Ces expériences d’apprentissage permettent de sortir de sa zone de confort et de se sentir plus à l’aise avec des personnes différentes de nous.
- Prendre conscience et éliminer micro-agressions : C’est le fait de prendre conscience et d’éliminer les mots offensants ou comportements, intentionnels ou non, qui semblent banals au quotidien, mais qui communiquent, souvent de façon répétitive, des insultes à une personne ou à un groupe ciblé.
- Communiquer de façon inclusive : C’est le fait d’adopter la communication inclusive permettent d’éviter l’invisibilisation de toutes les personnes ne s’identifie pas au genre qui domine la langue française, soit le masculin. Au-delà de l’équilibre femmes-hommes dans les textes, l’écriture inclusive amène aussi à développer nos communications pour les personnes non binaires.
- Inclusion des groupes et gestion collaborative de conflits : C’est le fait de permettre à tout le monde d’être soi-même et par conséquent, d’apporter quelque chose de nouveau dans des équipes dites inclusives. Ce comportement permet de favoriser une prise de décision transparente et de gérer le conflit de manière constructive.
- Reconnaissance d’injustices et allié du changement : C’est le fait d’amener les personnes à reconnaître les injustices, à dénoncer les incidents d’inégalités et à se positionner comme une personne alliée au changement favorisant une meilleure inclusion des groupes historiquement marginalisés.
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